Quand austérité rime avec inégalités
Pourquoi un Hebdo « Spécial austérité » ? Bien entendu, il y a l’imminence de la grande manifestation nationale du 29 novembre prochain au Parc-des-Champs-de-Bataille à 13h ! De plus, nous ne pouvions évidemment passer sous silence les récentes annonces de compressions budgétaires dans le réseau collégial…
Or, depuis plusieurs semaines déjà, nous songions à produire ce numéro spécial à votre intention.
Pour tout dire, c’est le 17 octobre dernier, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, que l’idée a germée. À ce moment, nous commencions à être de plus en plus mal à l’aise avec la multiplication des annonces gouvernementales de révision, coupure ou fermeture de programmes à visée sociale. Car, comme le rappelle avec justesse M. François Vaudreuil, président de la CSD : « Il y a dans [l]es programmes sociaux une mutualisation des risques de la vie qui favorise l’égalité des chances. Il ne faut surtout pas diminuer cette mutualisation puisque cela ne ferait qu’accroitre les inégalités ».[1] C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Institut du Nouveau monde (INM) invitait en octobre dernier plus de 200 acteurs socioéconomiques du Québec et d’ailleurs à réfléchir aux impacts des politiques publiques sur l’état des inégalités sociales. Consciente des risques d’effritement du tissu social qu’engendrent les politiques d’austérité et témoin des conséquences désastreuses que ce type de décisions politiques a eues sur certaines autres économies, notamment européennes, l’équipe de l’INM clôturait son rendez-vous par le dévoilement de six grandes propositions. Au nombre de celles-ci : la lutte à l’évasion fiscale, un nouveau pacte fiscal plus progressiste et des services publics universels et équitables, permettant de protéger au premier chef les plus vulnérables et démunis d’entre nous. À cet effet, rappelons que sont les femmes qui sont les premières à faire les frais des politiques d’austérité, à la fois à titre d’usagères et de travailleuses des services publics.
Plus les jours passaient et plus nous ressentions donc l’urgence de produire – en toute modestie – cette édition spéciale de l’Hebdo syndical. En effet, nous constations que le gouvernement n’avait pas attendu les termes de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise (Luc Godbout) et de la Commission de révision permanente des programmes (Lucienne Robillard), pour se lancer dans de nouvelles annonces de compressions touchant des mesures sociales et familiales (fin du tarif unique en CPE) et dans des projets de loi contestables (PL-10 en santé et PL-15 sur le gel d’embauche, notamment en éducation). Rappelons qu’envers et contre les préjugés les plus tenaces sur les emplois dans la fonction publique et parapublique, c’est plus du tiers des personnes oeuvrant dans les services publics qui vivent une situation de précarité en emploi, qu’elles soient titulaires d’un poste occasionnel, surnuméraires ou sur appel.
Les jours passent encore…Le 13 novembre, on annonce de nouvelles compressions budgétaires récurrentes dans le réseau collégial. Cette fois, ce sont 19 millions de dollars supplémentaires qui sont exigés des cégeps cette année et pour les années à venir. Du côté des directeurs généraux de cégeps, la coupe est pleine. Si pleine que le président de la Fédération des cégeps, M. Jean Beauchesne, fait une sortie remarquée dans les médias. Vulnérabilité, précarité, disions-nous plus haut ? Dans le cas des coupures affectant le réseau collégial, ce sont précisément les plus vulnérables et précaires d’entre nous qui risquent de faire les frais de ces coupures : des employé-e-s de soutien, des professionnels contractuels, des enseignant-e-s des cégeps en région qui verront peut-être leur programme d’études fermer, mais aussi et surtout des étudiantes et étudiants de partout au Québec qui risquent de se voir imposer de nouveaux frais ou de subir des coupures de services. Cela, alors même que le principe de la gratuité scolaire au collégial permettant l’accès du plus grand nombre à l’enseignement supérieur a toujours guidé nos choix sociétaux.
There is no alternative, vraiment ?
Malheureusement, force est de convenir à la suite de Simon Tremblay-Pépin, chercheur à l’IRIS, que la lutte au déficit constitue un double projet politique.[2] Électoraliste, à court terme, puisqu’un des réflexes politiques parmi les plus tenaces (et payants) consiste à annoncer en début de mandat une situation catastrophique telle qu’elle nécessite une médecine de cheval. Ici, le chercheur rappelle que l’IRIS a récemment publié une recherche démontrant que le déficit actuel est beaucoup moins élevé que les 3,2 milliards de dollars repris en boucle par tous les médias depuis quelques mois. Ensuite ? On attend la fin du mandat pour consentir quelques généreuses baisses d’impôts qui privent l’État d’autant de revenus. Mais le projet est double disions-nous. Il est également idéologique, puisqu’à plus long terme, il est question de légitimer un rétrécissement progressif de l’État, de ses missions, pour lui substituer le secteur privé.
Margaret Thatcher est demeurée célèbre pour bien des choses mais, entre autres, pour sa formule très partisane « There is no alternative ». Or, des alternatives, fiscales et réglementaires notamment, nous en avons trouvé plusieurs en cherchant un peu. Des modèles inspirants d’ailleurs.
Entre deux piles de corrections, nous vous invitons à parcourir cet Hebdo et à y puiser les sources documentaires qui vous renseigneront, vous stimuleront, voire vous mobiliseront et qui sait, vous donneront peut-être envie de vous joindre à la manifestation nationale du 29 novembre prochain !
D’ici là, nous vous invitons à participer au Rassemblement de la Communauté de Sainte-Foy qui se déroulera jeudi matin le 27 novembre de 7 h 30 à 7 h 50 à l’entrée Métro. Les représentants de l’Association étudiante, du Syndicat des professeurs, du Syndicat du personnel de soutien, du Syndicat des professionnels, du Syndicat des éducatrices et du Syndicat des interprètes se sont mobilisés pour vous inviter à dénoncer, tous ensemble, la nouvelle vague de compressions budgétaires qui frappent à nouveau le milieu collégial. La direction sera des nôtres lors de ce rassemblement où sera lue une déclaration.
Bonne lecture !
Les membres du bureau syndical
[1] Pierre Vallée, « Les centrales syndicales exigent un débat de fond sur la lutte au déficit », Le Devoir, samedi 22 et dimanche 23 novembre 2014, p. G-3.
[2] Claude Lafleur, « L’ampleur du déficit contestée », Le Devoir, samedi 22 et dimanche 23 novembre 2014, p. G-3.