Dernier Réseau des femmes de la CSQ : de la conciliation famille-travail à l’antiféminisme – Compte rendu
Le dernier Réseau des femmes de la CSQ, qui s’est déroulé à Québec les 11 et 12 février derniers a été, comme toujours, des plus intéressants. Organisées trois fois l’an, ces réunions visent à susciter une plus grande participation des femmes à la lutte syndicale, à les outiller en présentant des analyses sur des enjeux concernant les conditions de vie et de travail des femmes et à diffuser des analyses ou points de vue féministes.
La Plateforme politique de la Coalition pour la conciliation famille-travail-études adoptée en janvier 2016 par 22 organisations, dont la CSQ, a été présentée aux participantes. Ce regroupement vise à ce que soit instauré, dans tous les milieux, des mesures permettant de mieux concilier vie personnelle et professionnelle. Il plaide notamment en faveur d’une loi-cadre instaurant une véritable politique de conciliation et d’une réforme de la Loi sur les normes du travail afin d’octroyer à tous les travailleurs et travailleuses des conditions de travail plus souples, notamment en matière de temps supplémentaire, de congés pour obligations parentales ou familiales, de congés de maladie rémunérés, etc. Un atelier a par la suite permis aux participantes de se familiariser avec les diverses composantes de la plateforme.
Marie-Ève Surprenant, sociologue oeuvrant à la Table de concertation de Laval en condition féminine, est venue présenter son Manuel de résistance féministe. Ce petit ouvrage retrace l’histoire des femmes, celle du mouvement féministe et de ses principaux courants théoriques. Il s’attarde par ailleurs à démystifier un certain nombre de préjugés et d’idées préconçues, données statistiques et références à l’appui : décrochage scolaire, équité salariale, suicide, violence conjugale, garde partagée, autant de sujets et bien d’autres sur lesquels l’auteure remet les pendules à l’heure pour bien démontrer que l’égalité est loin d’être acquise. Un livre bien documenté, accessible et simple à consulter publié en 2015 par les Éditions du Remue-Ménage.
Isabelle Picard a par la suite pris la parole pour dresser un portrait de la situation des femmes autochtones, des enjeux et des défis auxquels elles font face. Membre de la communauté huronne-wendat et anthropologue de formation, Madame Isabelle Picard est directrice de Nouveaux sentiers, une fondation qui travaille à l’amélioration des conditions de vie des Premières Nations, en particulier celles des jeunes autochtones. Sa présentation retraçait dans un premier temps l’histoire des Premières nations du Québec, soulignant l’impact de la colonisation et de la mise en réserve, tout en mettant en exergue la volonté explicite d’assimilation du gouvernement fédéral qui a, pour ce faire, créer le trop tristement connu système de pensionnat. La deuxième partie de sa présentation s’attardait à la situation actuelle des femmes autochtones, présentant les diverses initiatives mises sur pied pour préserver la culture autochtone, de même que leurs luttes pour mettre un terme aux abus et à la violence dans leurs communautés. Sa présentation s’attardait plus globalement à mettre en lumière l’oppression systémique que vivent les femmes autochtones et les préjugés auxquels elles font face de par leur simple appartenance aux Premières nations.
La conférence de Francis Dupuis-Déri, professeur de Sciences politiques à l’UQAM, portait sur le masculinisme, un courant antiféministe particulièrement actif au Québec. Souvent issus des classes moyennes, les masculinistes construisent un «discours de la complainte», assurant que le féminisme est allé trop loin, provoquant du coup une crise d’identité masculine. Or, diverses études, notamment celles de la sociologue Judith Allen, montrent que ce type de discours est évoqué chaque fois que les femmes transgressent un tant soit peu la frontières des rôles auxquels elles sont assujetties à une époque donnée. Quelques femmes portant cheveux courts dans l’entourage de Jacques 1er avaient déjà, au XVIIe siècle, provoqué une telle «crise» alors que l’entrée des femmes dans les emplois plus prestigieux que sont la médecine ou le droit au XIXe siècle a suscité la même polémique en France, rappelle-t-il. Bref, il suffit qu’une seule femme entre dans un métier non traditionnel pour que la société soit en crise, soutiennent les tenants du statu quo en matière de rôles sexuels. Dans la deuxième partie de sa conférence, Dupuis-Déri a plaidé en faveur de la non mixité des associations féministes, les hommes devant accepter d’être en soutien au mouvement, tout en faisant office de «boys watch» en n’hésitant pas à briser la solidarité masculine lorsque des propos sexistes sont émis.
Un tour d’horizon sur l’actualité sociopolitique a par ailleurs été présenté par Jean-François Piché, conseiller à la CSQ. Nouvelle gouvernance scolaire alimentée par une logique comptable, sous-financement du réseau d’enseignement, fragilisation des CPE. Ce sont là des dossiers très préoccupants a souligné Monsieur Piché qui a aussi mis en relief les dangers du Revenu minimum garanti que propose François Blais puisque le gouvernement québécois veut revoir, en parallèle, tous les programmes composant le filet de sécurité sociale. L’incidence de cette révision permanente des programmes n’est pas sans inquiéter non plus le monde de la santé, notamment en ce qui a trait au panier de services qui sera ultimement maintenu au terme des multiples remaniements de structures qui agitent le monde de la santé. Pourtant, malgré un taux d’insatisfaction très élevé à l’endroit du gouvernement et un attachement certain de la population envers le modèle social-démocrate québécois (confirmé encore récemment par un sondage de l’Institut du nouveau monde), les intentions de vote sont nettement en faveur de l’équipe au pouvoir, de conclure le conférencier.
L’importance de la Campagne citoyenne pour l’adoption d’une assurance médicaments entièrement publique a également été exposée aux participantes par Lise Goulet, conseillère à la CSQ. Elle a bien mis en relief le fait que le Québec occupe le deuxième rang mondial pour les dépenses en médicaments prescrits, démontrant qu’un régime entièrement public permettrait d’économiser de un à trois milliards $ par année. Ginette Plamondon, de l’Association des retraité.e.s de l’éducation du Québec (AREQ), a pour sa part invité les participantes à dénoncer la tendance lourde qui s’est installée au Québec en matière de facturation des frais accessoires de santé, une menace à l’accessibilité de notre système public de santé, et à soutenir les mouvements d’opposition qui se constituent à cet effet. La mise en ligne d’un registre des frais facturés lors de consultations médicales répertoriant les pratiques compromettant l’universalité des soins est un premier pas dans cette direction.
Enfin, des remerciements remplis d’émotions ont été formulés à l’endroit de Silvie Lemelin et Hélène Sylvain, membres sortantes du Comité de la condition des femmes de la CSQ.