Réseau des femmes de la CSQ : une première rencontre fort nourrissante!

Le premier Réseau des femmes de la CSQ s’est déroulé à Sherbrooke les 6 et 7 novembre derniers. La première journée était organisée conjointement avec le Réseau des jeunes et a réuni autour de 150 participantes et participants.  Une série de conférences était au menu de cette première journée.

Luc Allaire, conseiller à la CSQ, a d’abord brossé un portrait de la conjoncture politique où coupures et austérité rimaient avec désengagement de l’État. Au-delà de l’inventaire des multiples programmes sociaux qui sont touchés par les compressions, l’exposé de Monsieur Allaire mettait bien en lumière la volonté toute idéologique du gouvernement Couillard de réduire la taille et le rôle de l’État. Un appel à la mobilisation du 29 novembre organisée par le Front social contre l’austérité clôturait d’ailleurs son intervention.

Il fut ensuite question de conciliation famille-travail ou, plutôt, d’articulation famille-travail. Sociologue oeuvrant au Conseil du statut de la femme, Hélène Charron a en effet bien mis en relief comment le monde du travail et celui de la famille sont deux espaces incompatibles et qu’il faut travailler à mieux articuler ces deux sphères. Bien que de nombreuses mesures aient été mises en place au cours des dernières décennies pour faciliter le travail des mères, ces dernières restent tributaires de l’assignement prioritaire à la reproduction et à la sphère privée. Ce sont elles qui sont responsables de la conciliation; ce sont les femmes de leur entourage qui pallient trop souvent les carences des services de garde et, bien que les pères aient accès au congé parental, le soin des enfants et la prise en charge du travail domestique demeurent encore un travail … de femmes! D’où l’importance de socialiser différemment dès leur plus jeune âge les garçons afin de les initier notamment au travail de la sollicitude (caring) et de modifier le Régime québécois  d’assurances parentales afin que les pères passent davantage de temps, seuls, avec leurs enfants. Une véritable articulation famille-travail passe également par une critique de l’espace salarié : moins de performance à tout prix et plus de souplesse dans l’organisation du travail!

L’après-midi a été consacré à la question de l’intégration des femmes trans dans les services destinés aux femmes, une conférence prononcée par Françoise Susset, psychologue intervenant régulièrement auprès de personnes désirant changer d’identité sexuelle. La conférencière a d’abord établi les distinctions entre le sexe biologique, l’identité sexuelle (perception de soi), les rôles sociosexuels (ou l’expression de genre) issus de la socialisation et l’orientation sexuelle. Soulignant le fait que les enfants qui expriment un genre différent de leur sexe biologique dès l’école primaire se retrouvent souvent, à l’âge adulte, en grande détresse psychologique, la conférencière a plaidé pour une pleine acceptation des différences, déplorant du même souffle toute conception binaire de l’identité sexuelle.  Sa conférence était suivie de deux témoignages de personnes trans, un homme et une femme ayant décidé à l’âge adulte de procéder à un changement de sexe. Les propos de Benoît étaient d’ailleurs forts éloquents sur la difficulté de vivre dans un corps auquel on ne s’identifie pas puisque celui-ci affirmait, en conclusion, qu’il avait finalement réussi à accepter sa féminité en devenant … un homme.

La deuxième journée du réseau était davantage consacrée aux affaires syndicales: consultation pour concevoir une formation pour la relève syndicale; commission spéciale sur le renouveau syndical, présentation du projet de loi 10 portant sur la réorganisation du réseau de la santé qui centralise la structure du pouvoir décisionnel tout en ne se rapprochant pas des patients, etc.

Un bilan du Rendez-vous CSQ sur la condition des femmes a également été présenté. L’évènement a été un franc succès, affirment les organisatrices, et a donné lieu à des conférences de haut niveau dont plusieurs sont accessibles en ligne à l’adresse suivante : http://www.conditiondesfemmes.lacsq.org/documents/

Enfin, une dernière conférencière, Johanne Jutras, est venue nous entretenir du projet de Loi C-36 que le gouvernement fédéral a présenté afin de statuer sur la prostitution. Ce projet de loi a été adopté par la Chambre des communes le 6 octobre dernier. Il criminalise les clients qui achètent des services sexuels, interdit à quiconque de vendre les services sexuels d’autrui et criminalise la prostitution près des écoles, garderies, terrains de jeu, etc. Ce projet de loi est notamment critiqué parce qu’il continue de criminaliser les personnes prostituées alors que la Cour suprême a invalidé cette disposition du code pénal en statuant qu’elle contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés. Par la suite, les positions des abolitionnistes qui veulent interdire toute forme de prostitution en criminalisant les clients mais non les prostituées (modèle nordique), tout comme celles des tenants de la décriminalisation de la prostitution et de sa légalisation ont tour à tour été présentées. Cette conférence a donné lieu à un débat fort intéressant qui montrait bien à quel point cette question est hautement complexe. Le modèle nordique a notamment été critiqué, certaines participantes soulignant que plusieurs études montrent qu’en criminalisant les clients, on isole davantage les personnes prostituées qui doivent se cacher pour éviter à leurs clients d’être «pris en faute». Leur sécurité s’en retrouve d’autant compromise. Plus globalement, notons que  s’opposent sur cette question de la prostitution le «droit» de ne pas se prostituer au nom des responsabilités collectives à l’égard de l’égalité des femmes (approche gouvernementale) et le «droit» de se prostituer au nom des libertés individuelles.  Débat complexe pour lequel toute solution simpliste doit être rejetée.

Le réseau s’est terminé sur une Déclaration du Réseau des femmes de la CSQ dénonçant les agressions sexuelles et la culture du viol qui prévalent malheureusement encore aujourd’hui, comme l’ont révélé les dernières semaines à la lumière de «l’affaire Ghomeshi». On pourra lire cette déclaration en cliquant sur le lien suivant : Déclaration du Réseau des femmes

Soulignons enfin que ce réseau a permis aux responsables des comités de la condition des femmes des syndicats de la FEC de se réunir afin de faire avancer les dossiers propres à notre fédération et ainsi donner suite au plan d’action qui a été adopté lors du dernier conseil général (CG) du 10 octobre dernier. Nous avons notamment poursuivi les discussions sur l’implantation, tant au niveau local que fédéral, du Programme d’accès à l’égalité syndicale voté lors du dernier CG. Précisons ici qu’un grand nombre de responsables des comités femmes de la FEC étaient présentes puisque neuf syndicats étaient représentés sur les treize comités locaux que compte notre fédération. Une forte délégation (12 femmes) qui n’a pas  manqué de se faire entendre au micro au fil des débats qui ont parsemé ces deux journées!

Lucie Piché
Coordonnatrice
Comité de la condition des femmes FEC-CSQ