Réseau des femmes de la CSQ : un bref retour

Une soixantaine de déléguées des comités de la condition des femmes issues des divers syndicats de la centrale ont participé au dernier Réseau des femmes de la CSQ qui s’est déroulé les 5 et 6 février derniers, à Montréal. La délégation de la FEC, toujours bien «fournie», comptait pour sa part onze représentantes, dont deux de Sainte-Foy (Christine Lévesque; Bureautique-informatique et Lucie Piché; Sciences humaines). La programmation de ce réseau, fort diversifiée, avait néanmoins pour point d’ancrage principal … l’austérité!

Louise Chabot, présidente de notre centrale, a ouvert les assises par une allocution teintée de références aux mesures d’austérité qui ne cessent de se multiplier et qui colorent, inévitablement, la présente ronde de négociations. Rappelant que ce sont les femmes qui vont écoper des nombreuses coupures annoncées et à venir, de même que des reculs importants qui risquent de survenir dans les conditions de travail du secteur public et parapublic (constitué à 75% de femmes), Louise Chabot en a appelé à structurer la résistance de façon active et soutenue.

La présentation d’Ève-Lyne Couturier, chercheure à l’IRIS, a d’ailleurs bien mis en lumière – chiffres à l’appui, l’importance pour les femmes de contrer les mesures d’austérité proposées par le gouvernement libéral. Après avoir démontré que ces mesures n’ont pas permis d’alléger la dette là où elles ont été imposées en Occident et qu’elles ont par ailleurs contribué essentiellement à appauvrir les populations, la conférencière s’est attardée par la suite à en démontrer plus précisément l’impact sur les femmes. Puisque l’État est un employeur de secteurs très féminisés (fonction publique, santé, éducation), les mesures d’austérité touchent les femmes de plein fouet. Les études de cas européens démontrent également que la réduction des conditions de travail dans le secteur public a par ailleurs un effet d’entrainement négatif sur celles du secteur privé. Parce que l’État est également un fournisseur de services qu’utilisent plus fréquemment les femmes, toute réduction a un impact négatif sur les usagères. De plus, la réduction des services étatiques fera en sorte qu’un certain nombre de tâches assumées principalement par les femmes et qui avaient été collectivisées – pensons notamment aux aidantes naturelles – risquent d’être reprivatisées, alourdissant d’autant la réalité de bon nombre de femmes. Enfin, a rappelé Madame Couturier, l’État a également un rôle de soutien financier en redistribuant la richesse. Or, la réduction des programmes sociaux atteint plus durement les femmes. On a ainsi pu observer qu’elles cotisent moins à leur régime de retraite parce qu’elles travaillent en moyenne moins longtemps que les hommes, tout en ayant des salaires moins élevés. Les propositions gouvernementales en matière de retraite s’avèrent donc plus pénalisantes pour les travailleuses. La tendance à instaurer des régimes de retraite à prestation indéterminée aura par ailleurs le même effet pénalisant puisque les femmes auront moins d’argent à leur disposition alors qu’elles ont une espérance de vie plus longue. Les mesures d’austérité sont certes néfastes, mais il faut bien comprendre qu’elles constituent surtout un outil au service du néolibéralisme dont le projet est de réformer le «vivre ensemble» en réduisant le rôle de l’État comme peau de chagrin et en considérant les individus essentiellement comme des consommateurs. Les femmes ont tout à perdre d’un tel projet, de conclure la conférencière qui fut chaudement applaudie par l’assistance[1].

La présidente du Conseil du statut de la femme (CSF), Julie Miville-Dechêne, est pour sa part venue expliquer les considérations qui ont motivé son organisme à déposer un avis sur l’égalité juridique pour les conjointes de fait. Soulignant le fait qu’au Québec, l’union de fait constitue une tendance lourde (plus des deux tiers des unions parmi les jeunes couples), que 80% des couples en union de fait n’ont pas de contrat et qu’une union sur deux se termine par une rupture, le CSF a jugé bon de revoir sa position antérieure et de proposer au Parlement d’adopter une loi qui ferait en sorte qu’après un certain temps de vie commune, les couples devraient avoir les mêmes droits et obligations en matière de partage du patrimoine et des fonds de pension que les couples mariés. L’égalité n’est toujours pas acquise pour les femmes en raison des inégalités salariales qui persistent, de  la prise en charge des enfants et d’une monoparentalité qui se vit encore trop souvent au féminin et dans la pauvreté. D’où l’importance, croit le CSF, de protéger les familles de la pauvreté – dont les femmes. L’avis du CSF a suscité bien des réticences, certaines critiques dénonçant le fait que la loi aurait pour effet de ramener les femmes dans un cadre légal associé au mariage que plusieurs ont rejeté. Tout en comprenant ces réticences, Madame Miville-Dechêne juge néanmoins qu’il s’avère essentiel de mieux protéger les familles car trop d’enfants glissent dans la pauvreté à l’issue de ruptures et que les conjoints de fait se doivent d’être solidaires dans l’union comme dans la rupture.

D’autres conférences sont venues encore nourrir la réflexion des participantes. Céline Desrosiers, une ancienne responsable du Comité de la condition des femmes, a rappelé la longue lutte menée par les femmes du Québec pour obtenir le droit de vote dont on fêtera cette année le 75e anniversaire. Karen Harnois, conseillère à la CSQ, a pour sa part présenté les grandes lignes de Loi sur l’équité salariale. Notre collègue Lucie Piché, professeure d’histoire à Sainte-Foy et membre du bureau syndical, a quant à elle présenté un bilan de la mission syndicale à laquelle elle a participé en Haïti en mai dernier à titre de coordonnatrice du Comité de la condition des femmes de la FEC. Sa conférence visait essentiellement à rappeler les difficultés du militantisme syndical pour les enseignantes qui œuvrent dans l’un des pays les plus pauvres de la planète : difficile de militer quand la lutte pour la survie est affaire quotidienne et que les tâches domestiques incombent massivement aux femmes; difficile de travailler quant la violence sexuelle mine bien souvent les relations de travail et que des lois bancales ne les protègent que trop peu à cet égard; difficile d’instaurer des mesures égalitaires en éducation, notamment pour contrer les stéréotypes dans les manuels scolaires, quand les ressources étatiques sont quasi nulles; difficile d’éduquer les jeunes, enfin, quand l’école, qui est à 80% entre les mains du secteur privé, n’est pas vraiment accessible pour la majorité et que même les enseignantes et enseignants souffrent de graves carences dans leur formation. Pourtant, les militantes de la Confédération nationale des éducatrices et éducateurs d’Haïti (CNEH) poursuivent la lutte, espérant changer le monde, un enfant à la fois!

L’actualité féministe des derniers mois a été passée en revue par Silvie Lemelin alors que les évènements à venir ont été publicisés. Au nombre des évènements à inscrire à l’agenda féministe, notons le prochain 8 mars, qui se déroulera sous le thème «Femmes en marche pour l’égalité – Solidaires contre l’austérité», permettant de sensibiliser la population sur les impacts négatifs des compressions pour les femmes. Une marche devrait d’ailleurs se tenir à Québec pour l’occasion (informations à venir dans une prochaine édition de l’Hebdo syndical).

La Marche mondiale des femmes se déroulera pour sa part le 17 octobre prochain, à Trois-Rivières. On trouvera plus d’informations sur cet événement sur le site québécois de la Marche mondiale des femmes à l’adresse suivante : mmfqc.org

Bref, ce réseau a su, une fois de plus, nourrir les participantes dans leur analyse féministe tout en les mobilisant en vue de créer un monde égalitaire !


[1] L’IRIS publiera le 28 février prochain une étude exhaustive sur les impacts de l’austérité sur les femmes. Ève-Lyne Couturier figure bien sûr au nombre des auteures de cette étude. En attendant la sortie de cette publication, on pourra consulter l’article publié la semaine dernière dans l’Enjeu Express par Lucie Piché intitulé «L’austérité contre les femmes» : http://fec.csq.qc.net/nouvelles/actualites/actualite/news/50889/index.html