Austérité – Services de garde. Point de vue de l’équipe de Techniques de l’éducation à l’enfance de Sainte-Foy
Un pas par en avant, deux pas par en arrière…entrez dans la danse !
On l’entend beaucoup par les temps qui courent; le réseau des services de garde éducatifs est à bout de souffle, on lui coupe les ailes tout en lui demandant de continuer à voler.
Fier d’un élan qui l’avait propulsé au palmarès des projets sociaux à imiter, on le sent maintenant fragile, fatigué, rendu au point de rupture sociale.
Né dans l’après-guerre, son évolution a permis à de nombreuses femmes de se faire une place dans le monde du travail. Créé pour soutenir la famille, il a su prendre une place importante dans une société québécoise folle de ses enfants.
L’apport éducatif qui s’est bâti à travers ses murs a grandi à travers une formation solide de ses gardiennes devenues éducatrices. Des principes axés sur l’unicité de l’enfant et la socialisation, le soutien aux parents et des objectifs aussi nobles que l’égalité des chances, la préparation à l’école, l’approche démocratique, lui ont permis de soutenir avec grâce et professionnalisme le développement global de milliers d’enfants.
Bien sûr la qualité a un prix : celui de la subvention gouvernementale, celui du salaire décent pour son personnel, celui du financement des locaux et du matériel éducatif. Ce choix, nous l’avons fait depuis longtemps au Québec et de nombreuses recherches prouvent que chaque dollar investi en rapporte beaucoup plus sociétalement parlant. Heureusement, la qualité qui est valorisée dans nos CPE vient avec de grandes exigences : une formation professionnelle dispensée au niveau des études supérieures axée sur le développement global de l’enfant pour la majorité de son personnel, la transparence budgétaire, l’implication des parents au conseil d’administration, le réinvestissement des profits, la justification administrative quotidienne…Et ça fonctionne!
La mémoire ministérielle, semble t-il, étant de courte durée, les derniers mois ont fait oublier à certains le pourquoi de ces choix qui, jadis judicieux, semblent maintenant ne plus avoir autant d’importance.
Il est triste de voir le gouvernement en place ratisser les comptes bancaires des CPE pour ne leur laisser qu’un maximum de 180 000$ d’actifs net, soit l’équivalent, pour un milieu de trois installations (possiblement 240 familles), de deux semaines de roulement financier. Il est incohérent de penser priver des milieux défavorisés de subventions essentielles au soutien de leur clientèle.
Que dire aussi de l’obligation pour ces corporations sans but lucratif à qui on vient d’amputer les profits, de fournir soudainement 50% des fonds pour bâtir leur nouvelle installation pour laquelle on avait pourtant donné l’autorisation de développement? Pire encore, pourquoi maintenir les subventions au niveau de 2013 alors que le coût de la vie augmente de 2% chaque année? Comment dès lors payer les augmentations de salaire des éducatrices ?
La qualité ne passera jamais par deux poids deux mesures. Pourquoi mettre la hache dans un système basé sur l’universalité en modulant les tarifs, ouvrant ainsi grande la porte de la fiscalité qui incitera les familles québécoises à choisir un milieu commercial trop souvent axé sur le profit au détriment d’une corporation qui base ses actions sur la qualité des services et le réinvestissement dans son installation. Cette voie que semble actuellement vouloir emprunter le ministère en place est pourtant en contradiction directe avec une grande majorité des énoncés émis par les chercheurs sur les incitatifs à la qualité.
‘’…On sait depuis des lunes, études à l’appui, que les services de garde qui sont des organismes sans but lucratif offrent une meilleure qualité de services que les garderies privées.’’
Camil Bouchard, chercheur en psychologie et en éducation
‘’…une nouvelle étude vient de démontrer que seuls ces derniers (les CPE) favorisent le développement d’enfants issus d’une famille à faible revenu. Ces enfants à 5 ans sont en effet trois fois moins susceptibles d’arriver vulnérables à la maternelle après un passage en CPE.’’
Nathalie Bigras, professeure et chercheure, UQAM
La concurrence fait du sens quand on parle de biens de consommation, mais rappelons-nous qu’ici, le client c’est l’humain, c’est l’enfant au cœur de nos actions, c’est le parent utilisateur qu’on s’est engagé à soutenir et avec qui on collabore au quotidien.
Comment expliquer à nos étudiants, éducatrices et éducateurs en devenir, que les nuages qu’on voyait poindre à l’horizon sont maintenant au-dessus de nos têtes et qu’il est normal qu’ils s’en inquiètent ? Comment leur promettre qu’ils peuvent continuer à croire à une carrière à la hauteur de la formation qu’ils ont reçue quand, jour après jour, on leur parle de coupures et de gels, de désinvestissement et d’austérité ?
Pour chaque grand pas que nous avons fait vers l’avant, nous reculons actuellement de deux… À vouloir trop danser, messieurs et mesdames du ministère, on épuise notre partenaire; puis la musique s’arrête…et la belle soirée pour laquelle tout le monde s’était investi et dont on était si fiers n’est plus que souvenirs d’un temps passé.
Marie Jolicoeur, pour le Département des techniques d’éducation à l’enfance
du Cégep de Sainte-Foy.