PVRTT, désertion et mobilisation
Je fais partie des chiffres inexistants, ceux compilant les cas de professeurs abonnés au PVRTT pour éviter une situation médicale d’épuisement. Je fais partie des profs travaillant à temps partiel pour pouvoir travailler 35 heures par semaine, pas plus.
Depuis la pandémie, on nous répète de ne pas nous en demander trop. On oublie que le problème n’est ni notre lâcher-prise ni notre perfectionnisme. Le problème est systémique.
Lâcher prise ne rend pas plus facile la fragilité sur le plan financier de nos collègues précaires, condamnés à la course aux remplacements. Lâcher prise ne diminue pas le nombre excessif d’étudiants dont je dois assurer le suivi. Lâcher prise ne diminue pas le nombre d’heures passées à corriger les travaux, dont la correction est alourdie par la multiplication des lacunes. Lâcher prise ne donne pas miraculeusement à mes étudiants les acquis qui leur font défaut. Lâcher prise ne diminue pas le nombre de réunions auxquelles je dois assister.
L’enseignement, c’est ce pour quoi je suis prof. Ce ne sont pas les heures passées en classe ni leur préparation, le problème. Alors, où dois-je lâcher prise?
- Dans les réunions? Mais, alors les 173 heures, l’équité entre collègues…
- Dans l’aide aux étudiants suivis aux SA, l’aide aux étudiants ayant un retard dans les acquis? Mais alors, tout le discours sur la réussite, sur l’importance du lien de confiance avec le prof pour la persévérance scolaire… Puis-je vraiment fermer ma porte aux étudiants toujours plus nombreux à avoir besoin d’explications, de soutien?
- Dans la correction? Puis-je vraiment cesser d’évaluer certaines compétences? Cesser d’annoter mes copies?
Le véritable problème auquel nous faisons face, ce n’est pas nous-mêmes, c’est le système. C’est le nombre trop élevé d’étudiants dans les classes (et par conséquent le nombre trop élevé d’étudiants en manque d’autonomie dans l’exercice de leur « métier d’étudiant », le nombre trop élevé d’étudiants ne possédant pas les acquis nécessaires à la formation collégiale), c’est le nombre trop élevé de comités et de redditions de compte, mais c’est surtout le fait que nous n’avons pas plus de ressources en ETC pour gérer tout ça, alors que nous demeurerons toujours l’intervenant de première ligne.
Nous sommes tous épuisés : où trouver l’énergie de se mobiliser? Mais dans trois ou cinq ans, à la lumière de ce que nous réserve le gouvernement, nous serons plus épuisés encore, et la fois suivante, davantage. C’est maintenant que nous devons nous mobiliser.
Nos problèmes ne se règleront pas par un meilleur lâcher-prise. Ils se règleront par de meilleures conventions collectives. Sinon, nous serons de plus en plus nombreux à déserter. Alors mobilisons-nous.