Ce que retient l’Histoire et ses traits qu’on dessine

Étant entourée de sociologues et d’historien·ne·s, je me demande souvent comment ce qu’on vit aujourd’hui sera retenu demain. Quand, dans encore plusieurs décennies, les documentaires raconteront la vie des Québécoises et Québécois de 2022, à quoi s’attarderont-ils?

Bien sûr, il y a fort à penser qu’il n’y aura jamais de documentaire produit sur « l’état des troupes au Cégep de Sainte-Foy en 2022 ». Pourtant, il y aurait des choses à dire. Mais qu’affirmera-t-on, sinon qu’il paraît ardu de brosser un portrait simple de l’état psychologique et physique du prof moyen? Si la joie d’enseigner en présence est bel et bien présente, elle apparaît mitigée par d’autres émotions qui nous habitent.

Pour certain·e·s, l’anxiété liée à la COVID est à son paroxysme, alors qu’on craint pour sa santé en venant travailler et que c’est armé de son attirail antivirus (distanciation, masque spécial, lunettes, visière…) qu’on doit rencontrer les étudiant·e·s. À l’inverse, d’autres membres du corps professoral n’en peuvent plus ce qu’elles et ils jugent comme une paranoïa exacerbée, qui nuit à l’enseignement et à la santé mentale de tous et toutes.

Quant à la surcharge entraînée par les avis d’isolement des élèves, si l’on s’accorde sur le fait qu’on s’en serait bien passé, la situation ne crée pas les mêmes complications partout. Par ailleurs, alors que les élaborations et actualisations sont nombreuses dans le Collège, plusieurs professeur·e·s souhaiteraient terminer les travaux le plus rapidement possible alors que d’autres sont épuisé·e·s de la cadence et de la somme de travail à faire (les professeur·e·s des disciplines contributives et de la formation générale, par exemple, se voient obligé·e·s d’être impliqué·e·s dans plusieurs processus à la fois).

Nous ne pouvons que constater la polarisation de nos membres sur ces enjeux centraux dans notre travail. Voilà qui n’a rien de réjouissant. Quelles décisions prendre dans ce contexte, alors qu’il sera vraisemblablement impossible de satisfaire tout le monde?

Face à ce constat, nous invitons nos membres à se protéger individuellement mais également collectivement, alors que nous vivons ensemble (et non plus chacun chez soi) les impacts de la pandémie. Nous en appelons ainsi à votre solidarité envers les plus fragiles d’entre nous. La situation – historique – que nous vivons actuellement est hors du commun. Après tout, il s’agit de la première fois où nous expérimentons la gestion d’une vraie vague de cas de COVID dans le cadre d’un enseignement en présence! Une situation complètement nouvelle, malgré presque deux ans de pandémie. Dans ce contexte, il apparaît impossible que toutes nos tâches habituelles soient réalisées comme si la vie suivait son cours normal.

Il n’y a pas un·e étudiant·e qui gagne à avoir un·e enseignant·e épuisé·e. Il n’y a pas un·e collègue qui gagne à avoir un pair démotivé. La machine, c’est nous. Nous faisons le choix de la nourrir, ou non. Et la performance qu’on croit être attendue de nous est, bien souvent, définie par nos propres attentes avant tout.

La Direction des études nous offre des banques d’heures, prenons-les. On nous propose de nous recentrer sur l’enseignement, c’est justement notre mission.

Les temps sont durs car, en plus de la fatigue, nous semblons avoir plus que jamais de la difficulté à nous entendre.

En attendant de nous sortir de tout ça, espérons que nous continuerons notre chemin avec empathie et écoute à l’égard de ceux et celles qui souffrent. N’oublions pas que la situation est exceptionnelle et qu’il nous faut composer avec elle. Et nous verrons bien ce qu’en retiendra l’Histoire.