Où en sommes-nous avec la liberté académique?

Le temps est venu de vous faire un suivi sur le dossier de la liberté académique. À moins que vous ne siégiez au groupe de travail sur la liberté académique, une mise en contexte sera sans doute fort utile :

L’an dernier, la direction des études a choisi de confier à la Commission des études le mandat de créer un groupe de travail sur la liberté académique en contexte d’enseignement. Celui-ci a à son tour reçu un double mandat de la Commission des études : celui de « rédiger un énoncé de principes visant à reconnaître et protéger la liberté académique qui correspond à la réalité du Cégep de Ste-Foy » et à « recommander des mesures favorisant une culture académique partagée au Cégep de Ste-Foy ».

Depuis l’automne, les gens élus sur le groupe de travail ont fait des lectures, se sont approprié d’autres énoncés de principes (universitaires surtout, mais aussi des initiatives collégiales), ont reçu des invités, ont fait des consultations (auprès des employés lors de la demi-journée du 11 octobre et sous forme de sondage auprès des étudiant·e·s). Les échanges au sein du groupe de travail ont été riches, libres et fructueux. Des difficultés sont toutefois survenues au moment de commencer la rédaction de l’énoncé de principes.

Le groupe de travail et la notion de liberté académique

Bien que l’énoncé de principes (et ses piliers) cible le contexte d’enseignement, le syndicat des professeur·e·s ainsi que d’autres membres du groupe de travail ont souligné que l’énoncé devait reconnaître la liberté académique dans son intégralité. La représentante du syndicat au sein du groupe de travail a soutenu que la liberté de recherche et la liberté d’expression devaient au minimum être nommées (par exemple par une mention de l’annexe VIII-10 sur la liberté académique de la convention collective et en s’appuyant sur la définition de l’UNESCO). La définition de l’UNESCO de la liberté académique de 1997 est une définition qui fait consensus dans le monde depuis de nombreuses années. Celle-ci énonce clairement tous les contextes de la liberté académique qui doivent être protégés (liberté d’enseignement, liberté de recherche et liberté d’expression). La plupart des rapports, énoncés et politiques sur la liberté académique l’utilisent d’ailleurs comme fondement.

Or, la direction des études s’est opposée non seulement à la mention de l’annexe VIII-10 ou des libertés de recherche et d’expression dans l’énoncé de principes, mais également à la présence de la définition de l’UNESCO comme assise de l’énoncé de principes, sous prétexte que le mandat du groupe de travail est de s’en tenir à la liberté académique en contexte d’enseignement. Rappelons que la définition de l’UNESCO a été à la base des travaux du groupe de travail depuis le début et que son utilisation n’avait jamais été remise en cause jusque-là.

Selon la direction, le syndicat cherche à élargir le mandat. Bien que de notre point de vue il s’agissait d’une erreur de circonscrire le mandat du comité au seul contexte de la classe, nous ne revendiquons pas l’ajout de piliers à l’énoncé de principes, ni même le fait que le Collège se commette en indiquant clairement comment seront défendues la liberté de recherche et la liberté d’expression. Nous tenons simplement au fait que le Collège reconnaisse que la liberté académique est un tout, même si notre énoncé ne précise que ce qui concerne le contexte d’enseignement. Cette reconnaissance aurait pu se faire simplement, notamment en mentionnant la définition de l’UNESCO.

Il s’en est suivi quelques discussions entre le syndicat et la direction dans les dernières semaines, lors desquelles nous sommes de part et d’autre restés plutôt campés sur nos positions respectives de telle sorte que les travaux du groupe se sont retrouvés compromis aux yeux la direction. Pour la direction, le groupe de travail outrepasse son mandat, alors que pour le syndicat l’enjeu de la liberté académique est trop important pour les profs pour faire des compromis. La liberté académique dans toutes ses facettes doit être reconnue et protégée.

Retour sur le sondage

C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de mener un sondage pour avoir un portrait plus représentatif des souhaits des professeur·e·s sur l’issue des travaux que l’on mène actuellement sur la liberté académique au Cégep de Ste-Foy. Sans surprise, les trois contextes de la liberté académique sont importants pour les professeur·e·s, au point que des mesures locales doivent les protéger (97 % pour la liberté d’enseignement, 95 % pour la liberté de recherche, 89 % pour la liberté d’expression).

Toutes les données du sondage sont disponibles pour consultation au local du syndicat.

Notre position syndicale

En tant que représentants syndicaux qui accompagnent régulièrement des collègues, nous savons que les situations qui touchent à la liberté académique dans la classe (mention de mots ou de thèmes controversés, choix d’ouvrages, etc.) ne sont pas celles qui causent le plus de problèmes aux profs. Ceux-ci sont généralement soutenus par la direction, à moins d’une grave erreur de jugement.

C’est plutôt lorsque les profs exercent leur liberté à l’extérieur de leurs salles de classe que le Collège a tendance à les rencontrer, pour les encourager à se garder une réserve, voire pour les sanctionner. Loin de valoriser la prise de parole de ses profs dans l’espace public, le Collège (selon l’équipe syndicale) préfère ne prendre aucun risque qui pourrait nuire à son image. Au syndicat, nous considérons que c’est à ce niveau qu’il faut agir et mieux protéger les profs et que si nous ne le faisons pas maintenant, il sera trop tard. Un énoncé de principes sur la liberté académique adopté par la commission des études et le Conseil d’administration sera coulé dans le béton pour plusieurs années. Le Collège pourra s’appuyer sur ce document pour affirmer haut et fort que la liberté académique est reconnue et défendue au Cégep de Ste-Foy alors que rien n’aura changé dans les façons de faire. Un énoncé de principes n’a qu’une portée symbolique, mais c’est justement parce que c’est un symbole qu’il doit être fort.

Et pour la suite?

Quoi qu’il en soit, la direction a décidé de suspendre temporairement les travaux du groupe de travail. Espérons que nous trouverons une voie de passage pour que le groupe de travail puisse reprendre ses travaux et répondre aux mandats qu’on lui a donnés. La porte reste toujours ouverte pour qu’on arrive collectivement à quelque chose de puissant sur la liberté académique dans les temps prévus, mais les professeur·e·s du Cégep de Ste-Foy ont attendu cette réflexion depuis trop longtemps pour qu’on ne s’accorde pas le temps nécessaire pour faire un pas de côté et prendre du recul, changer de cap, afin de faire les choses comme elles se doivent.