Stérilisations imposées aux femmes des Premières Nations au Québec

Les 16 et 17 mars dernier se tenait à Victoriaville le troisième réseau des femmes de l’année 2022-2023, sous le thème de la justice reproductive. Le texte qui suit présente le résumé d’une des conférences offertes aux femmes présentes. Nous remercions Amélie-Elsa Ferland-Raymond pour ce résumé. 

Doctorante à l’École d’études autochtones associée à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), Patricia Bouchard a rencontré les participantes du Réseau des femmes par l’intermédiaire de Zoom, afin de les entretenir des actes de stérilisations forcées vécues par les femmes autochtones dans la province, et ce, encore tout récemment.

La conférencière a débuté son allocution en informant son auditoire des politiques mises en place au Canada au cours du 20e siècle, basées sur des idéaux eugénistes, avec objectifs d’éliminer les « indésirables de la société » et de limiter les déviances sociales, notamment les cas de maladie mentale, d’alcoolisme, de toxicomanie et de prostitution, pour ne nommer que ces réalités. Des situations qu’on sait surreprésentées chez les populations autochtones. Notons que les chercheuses ont relevé la présence de cette volonté de « nettoyer la société » non seulement en politique, mais également dans la population en général et dans les institutions de soins.

Dans le cadre de leur recherche, Patricia Bouchard et Suzy Basile ont recueilli des témoignages de femmes afin de documenter l’impact des stérilisations forcées sur leur parcours de vie et leur confiance dans le système de santé québécois. Au total, 35 femmes ont été rencontrées (la pandémie a empêché que ce soit davantage, bien que plusieurs autres femmes se soient manifestées), la majorité d’entre elles ayant été stérilisées entre l’âge de 17 et 33 ans. Pour la plupart, on leur aurait suggéré, à répétition et de manière harcelante, la ligature des trompes comme la seule méthode de contraception efficace, et ce, peu importe l’âge des femmes ou le nombre d’enfants qu’elles avaient à ce moment-là. La stérilisation était proposée lors de l’accouchement, pendant celui-ci ou tout de suite après la délivrance, et la procédure était pratiquée de manière précipitée, sans raison médicale justifiant cet empressement et au mépris de toutes les règles éthiques prévalant dans ce contexte. Ainsi, dans certains cas (pas dans tous) des formulaires de consentement ont effectivement été signés par ces femmes alors qu’elles étaient en situation de vulnérabilité. Une situation d’autant plus problématique que l’accès à la ligature des trompes, en 2023, pour une femme qui en fait la demande (et qui n’est pas autochtone), s’avère un processus complexe et long qui nécessite de nombreuses discussions avec le ou la médecin qui décide d’autoriser ou non la procédure, autorisation qui est encore plus ardue à obtenir si la patiente n’a pas terminé sa vie reproductive.

Dans certains cas, des femmes ont subi une ligature des trompes ou une hystérectomie sans même en être conscientes, lors d’une césarienne. À leur réveil, l’une d’entre elles s’est fait dire par le médecin « Pendant que j’y étais, j’ai fait une ligature des trompes ». Jamais la question de cette procédure n’avait pourtant été abordée auparavant. D’autres ont appris plusieurs années plus tard, en consultant pour connaître les raisons de leurs difficultés à concevoir, qu’elles avaient été stérilisées sans le savoir.

Les participantes à l’étude de Bouchard et Basile ont témoigné être désormais méfiantes des services de santé et ont dit chercher à les éviter. D’ailleurs, certaines n’ont pas consulté de médecin depuis des années.