LA GRÈVE….LÉGALE OU ILLÉGALE ?[1]
Dans le cadre de négociations, selon le Code du travail, une grève est une « cessation concertée du travail par un groupe de salariés comme moyen de pression pour amener l’autre partie à modifier sa position au regard de la négociation de la convention collective. »[2] Le droit de grève des employé-e-s du secteur public et parapublic est reconnu au Québec depuis 1964. Il constitue même désormais un droit constitutionnel fondamental. En effet, en 2005, la Cour suprême du Canada affirmait que sans droit de grève, le droit de négocier ses conditions de travail perdait son sens.[3]
Par contre, il ne suffit pas de voter cette « cessation concertée du travail » pour que la grève soit légale, même au lendemain de l’échéance de notre convention collective. Le droit de grève est en effet encadré par le Code du travail et, pour les salarié-e-s du secteur de la santé, par la Loi sur les services essentiels (dont il ne sera pas question ici compte tenu qu’elle ne s’applique pas au secteur de l’éducation).
LA GRÈVE LÉGALE
Pour qu’une grève des employé-e-s du secteur public soit légale, il faut suivre toute une procédure balisée par le Code du travail. D’abord, la grève légale ne peut avoir lieu que 90 jours après qu’un avis de négociation ait été envoyé à la partie patronale. De même, une grève ne peut avoir lieu en cours de convention collective.
Actuellement, notre convention collective est arrivée à échéance et, si nous considérons le dépôt de notre cahier de demandes syndicales le 31 octobre comme un avis de négociation, le délai de 90 jours serait respecté. Alors, peut-on légalement exercer un mandat de grève dès maintenant ? Pas tout à fait.
Lorsque les négociations ne progressent pas, les parties doivent en effet avoir recours à la médiation ou produire un rapport conjoint sur l’objet de leur différend et aviser le ministre du Travail de la situation. Règle générale, c’est la médiation qui est privilégiée. Et ce n’est qu’après 60 jours de médiation et le dépôt du rapport du médiateur que les syndiqué-e-s peuvent légalement débrayer, s’il n’y a pas d’entente entre les deux parties. Alors, peut-on légalement exercer un mandat de grève après 60 jours de médiation ? Pas tout à fait encore.
Il faut ensuite envoyer un avis au ministre du Travail lui signifiant qu’il n’y a pas eu d’entente. Un délai de 20 jours doit s’écouler à la suite de cet avis et un autre avis préalable de grève doit être soumis au ministre du Travail au moins sept jours juridiques francs (donc dix jours ou plus). Bref, entre le début de la médiation et la grève légale, il s’écoulera environ 90 jours.
LA GRÈVE ILLÉGALE
Toute grève déclenchée qui ne respecterait pas le cadre légal décrit plus haut risquerait d’être jugée illégale. Le Code du travail prévoit d’ailleurs des dispositions et des sanctions en cas de grève illégale. La Commission des relations du travail pourrait « ordonner au syndicat ou aux salariés de cesser de participer ou d’autoriser la participation à une telle grève [ou] ordonner le paiement de dommages et intérêts. »[4] Il pourrait aussi y avoir des « recours pénaux […] ou des amendes » à l’encontre des salarié-e-s, des dirigeants syndicaux et des organisations syndicales visés.
Le Code du travail prévoit des pénalités, pour chaque jour ou partie de jour de grève illégale :
- de 25 $ à 100 $ s’il s’agit d’un salarié (vous) ;
- de 1 000 $ à 10 000 $, s’il s’agit d’un dirigeant ou employé d’une association de salariés (les membres du bureau syndical du SPCSF) ;
- de 5 000 $ à 50 000 $ s’il s’agit d’une association de salariés ou d’un regroupement auquel est affilié ou appartient une association de salariés (le SPCSF, la FEC et la CSQ).
Une fois ceci dit, pour qu’une grève soit considérée illégale, l’employeur doit la reconnaitre comme telle et porter plainte à la Commission des relations du travail. Le Commissaire des relations de travail étudiera la plainte et pourrait décider d’appliquer, ou non, des pénalités dans les fourchettes présentées ci-haut.
Toutefois, si le vote de grève a été tenu en respectant les procédures et les statuts du SPCSF-FEC, notre Politique d’utilisation des fonds syndicaux (février 2015) prévoit au chapitre trois « Fonds de résistance syndicale » que notre syndicat puisse prendre en charge ces pénalités, tel que stipulé à l’article suivant :
3.4 Utilisation du fonds de résistance syndicale
Matières admissibles
Le FRS peut être utilisé dans les situations suivantes :
3.4.1 Frais juridiques et frais connexes en contexte de conflit de travail
À l’occasion de conflits de travail, le FRS peut être utilisé pour couvrir les frais juridiques et les amendes non assumés par la FEC et la CSQ, imposés au Syndicat, à ses administrateurs et à ses membres lors de lois spéciales, d’injonctions ou de poursuites devant les tribunaux.
Sont également admissibles à ce titre : les amendes, les poursuites judiciaires, les frais juridiques, les pertes de rémunération pour emprisonnement ou autres découlant d’une action autorisée par l’Assemblée générale des membres du Syndicat et non assumés par la FEC et la CSQ.
Par contre, ne sont pas admissibles les situations qui sont créées par le fait de gestes individuels ou collectifs hors du cadre syndical.
Le Fonds de résistance syndicale de la FEC pourrait en partie prendre en charge ces pénalités, selon les règles définies par ses instances. La CSQ pourrait également offrir une aide financière et juridique, mais pour l’instant, on ne peut pas définir précisément la hauteur de cette aide.
[1] Nous tenons à remercier nos collègues Sylvie Lemelin (Syndicat des enseignantes et enseignants du Cégep de Victoriaville), Myriam Bradley et Catherine Babin (Syndicat des enseignantes et enseignants du Cégep de Rimouski) pour le présent texte qui ne constitue qu’une adaptation locale de leurs propres textes parus dans La Riposte, vol. 35, no 15, 2 avril (SEECR), puis publié sur http://seecv.ca/ la semaine suivante.
[2] Gouvernement du Québec, Le code du travail en questions et réponses, pp.47 à 52.
[3] Conférence de Jacques Rouillard, professeur à l’Université de Montréal et spécialiste de l’histoire du syndicalisme, prononcée le 31 mars 2015 dans le cadre de la Journée de réflexion sur la grève dans le secteur public organisée par le Front commun 2015 à Québec.
[4] Gouvernement du Québec, Le code du travail en questions et réponses, pp.47 à 52.